Retour et Réinsertion socio-économique des migrants en monde rural…

Depuis quelques années, des centaines de pirogues quittent les côtes africaines, en
destination des pays européens. Hommes, femmes, jeunes et enfants de différentes
nationalités s’embarquent par milliers dans des barques artisanales. D’autres préfèrent la
voie terrestre, ils passent par le désert à la recherche d’un avenir meilleur. Cette envie inouïe
de réussir et parfois adossée à un extrémisme inqualifiable dû aux multitudes difficultés
auxquelles sont confrontés les candidats à l’émigration au péril de leurs vies. Conscients du
drame que constitue ce périple, les pays du sud et du nord ont entrepris à travers des
conventions des politiques migratoires, pour stopper le phénomène de la clandestinité et
favoriser l’émigration choisis. Grâce aux politiques et programmes des autorités, le
phénomène connaît de plus en plus un recul, même s’il faut noter un léger regain du
phénomène ces temps-ci.
Daouda Camara, la quarantaine révolue est un migrant de retour. Aujourd’hui, il est dans
l’auto-entreprenariat, cela trois ans depuis son retour au bercail. Depuis son come-back du
Gabon, il a beaucoup investi grâce aux services de l’Etat et des organisations qui concourent
à la réinsertion socio-économique des migrants de retour. Marié et père de deux enfants, il
estime que malgré les atouts, l’émigration irrégulière constitue parfois un énorme risque
pour les jeunes. « Moi je suis allé chercher ailleurs parce qu’en réalité j’avais d’autres projets
en tête. Alors pour réaliser ces idées, j’ai quitté le pays. Cependant lorsque j’ai eu ce que je
voulais, je suis rentré au bercail, pour investir. J’ai fait trois ans au Gabon, lorsque j’ai atteint
mon but, j’ai envoyé mes épargnes à ma famille. C’est ainsi que, je suis revenu et plonger
dans l’auto-entreprenariat. L’immigration clandestine est un véritable danger. Trop de gens
périssent en cour de route, même s’il y’en a ce qui s’en sortent. Parfois l’immigration entre
pays les africains est plus périlleuse que celle de l’Afrique aux pays européens ou américains.
Non ! Moi, mon intégration n’était pas du tout difficile parce que j’avais tissé des relations
très fortes avec plusieurs personnes au pays. L’immigration clandestine a des atouts, dans la
mesure où, elle te permette d’avoir un esprit ouvert sur plusieurs choses. Parfois, les métiers
que nous refusons de faire ici, ce sont ses mêmes métiers que nous pratiquons hors de chez
nous. Lorsque moi j’ai pris conscience des nombreuses potentialités que notre pays peut
nous offrir, j’ai automatiquement saisi l’occasion. Alhamdoulilah ! Actuellement, je suis dans
l’entreprenariat et dans l’agriculture.
Je suis revenu pour aider mes jeunes frères. D’ailleurs, en cette période d’hivernage j’ai des
champs que je cultive. Hormis cela, à travers le projet provale, nous avons une ferme de 1ha
et demie et nous avons des employés. À travers ce projet, ces derniers parviennent à obtenir
un salaire et parviennent aussi tant bien que mal de subvenir à leurs besoins ».
Avec Daouda, nous sommes allés visiter la ferme. Il se trouve dans un village appelé saré
kolidiang, ils y pratiquent l’agriculteur, maraîchage et l’aviculture.
Cette ferme d’un hectare et demi est le fruit d’un financement du projet de valorisation des
eaux pour le développement des chaînes de valeurs, PROVALE. Dans cet espace, du gombo,
du piment et l’oseille y sont cultivés, sans compter l’élevage et l’aviculture qui y sont
pratiqués aussi. Aujourd’hui, Daouda emploie plus de 5 personnes dans la ferme. Ces
derniers parviennent à subvenir à leurs besoins grâce à cette activité. Daouda martèle que
« Nous cultivons ici de l’oseille, des combos, de piment et d’autres produits de maraîchages.
Ensuite, Nous y pratiquons aussi l’élevage et l’aviculture. Là où je vous parle, trois jeunes
travaillent ici sans compter les gardiens. Au totale, plus de 5 personnes gagnent leurs vies ici.
Lorsque j’étais à l’extérieur, j’ai vu que d’autres pays venaient chez nous, pour investir dans
l’agriculture. Ainsi, dès mon retour, moi aussi, je me suis engagé dans l’agriculture. Je pense
que les jeunes doivent se décomplexer parce qu’il y a d’énormes potentiels ici. L’émigration
clandestine est un énorme risque, au cour du trajet on peut perdre la vie. Il ne faut pas que
les jeunes gaspillent leur argent, ils peuvent rester ici et réussir. Aujourd’hui, je suis revenu,
je suis dans le développement communautaire, dans l’agriculture et même dans
l’immobilier ».
Toujours dans le cadre de ses activités de développement communautaire, Daouda a par
ailleurs aidé les femmes de son quartier à se constituer en GIE. Elles ont même pu bénéficier
des formations sur la transformation. Actuellement, le GIE a une machine à moulin.
Mariama Mané, présidente du groupement d’intérêt économique estime que « Nous étions
très fatigués auparavant. Chaque samedi, nous étions là à cotiser 500f par personne. C’est
après que Daouda est venu nous demander de se constituer en un GIE, pour qu’il nous aide.
En premier lieu, il a amené des formateurs qui nous ont par la suite formés dans la
transformation. Grâce à ses formations nous avons acheté des chaises, il nous a facilité aussi
un financement et en fin, nous a aidé à se procurer aujourd’hui d’une machine à moulin.
Vraiment il est très déterminé pour le développement du quartier ».
Comme le dit l’adage wolof » kü xamül fïmü dïëüm na dëloü fïmü dïoüguë » littéralement
« quand on ne sait pas où l’on va, on retourne là où l’on vient». C’est bien ce qu’a appliqué
cet ancien émigré, après deux ans hors du pays. Sous couvert de l’anonymat, il est revenu au
bercail en 2006 et a réussi au concours de volontariat d’alors. Aujourd’hui, il a 15 ans
d’expériences dans l’enseignement. Il soutient que les jeunes peuvent rester et réussir ici au
pays grâce aux nombreuses politiques migratoires mises en place.
« Moi, j’ai tenté l’émigration clandestine. J’ai fait deux ans au Libye, mais j’ai par la suite su
que vraiment l’émigration clandestine est un risque pour les jeunes. Ils peuvent rester et
réussir au pays. Des financements comme la DER et autres mécanismes que l’état a mis sur
place peuvent leurs permettre de s’en sortir. Je ne vois plus l’importance d’aller chercher
ailleurs, alors qu’on peut réussir au pays. Lorsque je suis revenu, en 2006, j’ai fait le concours
de volontariat et j’ai actuellement 15 ans d’expériences. Aujourd’hui, je parviens à subvenir
à mes besoins et ceux de ma famille. J’ai ma petite concession. Je conseils aux jeunes
d’investir dans l’entreprenariat, parce que maintenant le trajet est plus difficile
qu’auparavant. L’état et les partenaires doivent changer ou améliorer les politiques.
Actuellement l’agriculture marche bien, je crois que les jeunes peuvent s’adonner à ça ».
Dj Kane Diallo, de son vrai nom Amadou Kane est un animateur et technicien audiovisuel de
formation qui a 19 ans d’expériences. Migrant de retour aussi, aujourd’hui, il est propriétaire
d’un matériel de sonorisation avec lequel, il parvient à satisfaire les besoins de sa famille. Il
atteste avoir fait « l’immigration clandestine. Je suis passé par le Mali, Burkina Faso, le Niger,
Agadès jusqu’à tripoli. Mon but était d’aller travailler et renforcer mes qualités de technicien
de l’audiovisuel. Je suis resté à Libye pendant 4 ans rien a changé, donc j’ai pris la décision de
retourner au pays. Lorsque je suis revenu, j’ai continué à pratiquer l’audiovisuel. Mais mon
trajet d’alors n’étais pas du facile. Moi et mes compagnons nous avons subi, beaucoup de
maltraitances. Ne serait-ce que pour traverser le Mali, c’est la croix et la bannière. Les
convoyeurs vous demandent de l’argent, si vous n’en avez pas, ils vous emprisonnent.
Parlant de mon retour, il est justifié dans la mesure où lorsque j’étais à Libye, beaucoup de
mes camarades ont perdu la vie soit à cause de la guerre ou en voulant traverser la
méditerranée. Puisque je ne pouvais pas poursuivre mon voyage je me suis dit pourquoi pas
rentrer au pays et continuer mon métier. Depuis mon retour je n’ai pas cessé d’œuvrer
d’arrache-pied pour subvenir aux besoins de ma famille. J’ai travaillé dans pas mal de radios
ici. Mon expérience En Gambie n’a pas marché, je suis revenu et la radio paradise Fm m’a
pris comme animateur. Après, je suis allé à la radio foyré Fm et jenku Fm. Je me suis même
procurer un matériel de sonorisation complet. Aujourd’hui, je parviens à m’en sortir grâce à
ce matériel. Je demande aux jeunes d’apprendre l’école ou qu’ils aillent se faire former.
Grâce à mon métier, aujourd’hui, je suis technicien de son dans une télévision et je mène
correctement mon business à côté ».
Pour faciliter la réinsertion socio-économique des migrants de retour, l’Etat du Sénégal à
travers (l’ANIDA) l’agence Nationale d’Insertion et de Développement Agricole avait mis en
place sur financement de l’Union Européenne à travers les Agence de coopération
Espagnole et Italienne un projet appelé PACERSEN. À cet effet, de 2017 à 2021, le projet
d’appui à la réduction de la migration par la création d’emplois ruraux au Sénégal a consacré
25% de son budget aux migrants de retour. Pour son coordonnateur, les jeunes peuvent
rester ici et réussir grâce aux conditions idoines que l’Etat et les organisations ont mises en
place. Pour Ibrahima solo konta, à travers ce projet ils ont voulu maintenir les jeunes au pays
a travers la création de fermes modernes adossé par la maitrise d’eaux. Le projet a intervenu
dans trois zones que sont Kolda, sedhiou et Kédougou. A cet effet, ils ont mis en place plus
90 fermes qui concourent à maintenir les jeunes.
Rattachée aux agences régionales de développement de l’Etat, les bureaux d’accueil,
d’orientation et suivi jouent un rôle prépondérant dans la réinsertion socio-économique des
migrants de retour. À Kolda, le BAOS a mis en place le projet gouvernance migration et
développement. Aujourd’hui, plus de 60 millions de francs CFA sont injectés sur les migrants
de retour. Objectif, leur faciliter l’orientation, la formation et le financement. Selon le
responsable du BAOS de Kolda, ils effectuent un accompagnement total des migrants de
retour. D’ailleurs, dans le cadre du projet gouvernance-migration et développement, des
fonds régionaux ont été lancé. Ils s’attellent aussi à la formation des migrants de retour et
orientent ceux qui sont revenus avec des projets porteurs. Selon Mamadou ndour, le bureau
d’accueil, d’orientation et de suivi est loin d’arrêter en si bon chemin. En effet, de nouveaux
projets sont en perspectives pour maintenir le plus possible de jeunes dans le pays.